mardi 21 août 2007

Au sujet de Frida Kahlo (1)

pIl me semblait d'actualité, alors que le Mexique rend hommage à Frida Kahlo, de mettre en ligne le texte qui suit écrit en 2004 à l’occasion d’une pièce "Viva la Frida Kahlo" jouée par Guadalupe Bocanegra. Aujourd’hui, trois ans après, un autre spectacle “Attention peinture fraîche” de Lope Velez a lieu au théâtre Le Méry. Je ne l’ai pas encore vu, mais cela ne saurait tarder. J’en reparlerai.

Depuis la sortie du film de Juliet Taymor, Frida Kahlo, devenue phénomène de mode, fait couler beaucoup d’encre.
Le festival qui lui était consacré en octobre 2004 vient de s’achever. Malheureusement, malgré toutes les tentatives de réanimation, sa peinture, la vraie, celle qui aurait pu nous rapprocher d’elle, était absente…
Bien entendu, de nombreux artistes impliqués ont tenté de faire revivre quelques instants par leur travail, à travers le théâtre ou l’image, cette femme au caractère bien trempé et sans doute excessif, engagée dans une lutte à mort contre le néant et l’inexistence.
Ainsi,
« Viva la Frida Kahlo », spectacle très confidentiel (malgré un succès de plusieurs années) présenté par Guadalupe Bocanegra dans une mise en scène de Enrique Pineda, ne pouvait guère laisser indifférent, même le profane. La proximité spatiale entre la scène et le public, dans une salle minuscule du théâtre de Nesle, créait d’amblée un lien étroit et très charnel avec l’artiste. Qu’ils le veuillent ou non, les spectateurs, même à leur corps défendant, étaient immédiatement projetés dans l’univers mental de Frida. La justesse de la voix, coquine, emportée, ironique, gouailleuse, passionnée, déchirée, altérée, modulait une heure durant un parcours singulier, souligné par l’ampleur théâtrale du geste, et par le regard souvent incisif comme le propos. Initiés et néophytes, en silence ou en murmures, ne pouvaient que réagir face à cette vie disloquée, à cet esprit et à ce corps en souffrance, sous l’artifice toujours présent et toujours trompeur du théâtre jouant de l’outrance et de la démesure.
Malgré quelques envolées joyeuses, mais finalement fragiles, indécises et éphémères, c’est bien un monologue souffrant et violemment narcissique qui reste en mémoire. C’est toujours et encore la douleur, qu’elle soit psychique ou physique, qui l’emporte implacablement.
Joué avec un brio parfois proche du dérapage, tant la verve et le geste se voulaient passionnément enjoués, ce texte pathétique ne pouvait qu’interpeller en priorité les « initiés » de Frida, ceux qui la connaissent et la suivent depuis longtemps parce qu’ils ont été touchés de longue date par cette vie particulière, peinte et hurlée, bien avant sa médiatisation mercantile.
Mais l’intérêt réel ou frelaté qu’on lui porte aujourd’hui, ne changera rien, car Frida aussi proche soit-elle, gardera sa vie et ses secrets par devers elle. Et c’est bien ainsi. Personne jamais, ne saurait ressentir la vraie vie vécue et rêvée de Frida Kahlo qui jour après jour criait qu’elle voulait sortir de son corps, se projeter de l’avant et vivre enfin. C’est encore la douleur toujours fulgurante qui prend le dessus. La douleur déchirante de son corps mutilé, mais aussi la douleur insupportable et suffocante, presque insurmontable de ne pas vivre, de ne pas pouvoir vivre…
Prisonnière de sa souffrance Frida a peint pour exorciser. Sa peinture est la seule chose tangible qui demeure d’elle aujourd’hui. Le reste, même reconstitué fidèlement à partir de ses lettres et de son journal, n’est jamais que fiction. Qu’imaginaire.

Diálogo interior con Frida Kahlo de Yasumasa Morimura, Japon
Photo de mhaleph

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Well written article.