vendredi 26 août 2011

Mise en mots...


mélancolie du latin melancholia venant du grec melankholia soit de melas/melanos ( noir) et de kholé ( bile) pour désigner la bile noire l'une des quatre humeurs (sang/lymphe/bile jaune/bile noire) déterminant le tempérament (ici une tristesse infinie réservée aux voyants et aux génies) selon Hippocrate (médecin de l'antiquité grecque) voici pour l'étymologie et la part justement faite aux origines du titre du dernier film (voir synopsis à la fin)  de Lars von Trier

quelle humeur noire en effet perturbe Justine dont le visage angélique passe sans cesse du sourire (souvent forcé) à l'expression de détresse (figée) sourire pour maintenir les convenances sembler s'y plier parfois de bonne grâce gracieuse et affable comme son milieu et les circonstances matrimoniales l'exigent mais semble seulement car son visage très mobile bascule toujours vers melancholia son double astral pourrait-on dire cette planète qui d'inconnue et d'innoffensive deviendra peu à peu dérangeante maléfique menace pour la terre comme  Justine sans arrêt dérange in extremis les conventions établies perturbe l'équilibre de sa soeur Claire aucun déplacement possible des maléfices ce qui doit être sera elle sait alors que les autres hésitent ou paniquent


d'emblée le film pose la destinée fatidique des personnages dans une société fermée puis dans un huit clos familial où la maladie de Justine la trajectoire (incertaine) de melancholia l'angoisse  (croissante et invaincue) de Claire prennent toute la place la rationalité (mise à mal) de John ne serait là qu'en contrepoint (ou contrepoids) tentative (vaine) de rééquilibrer l'ensemble qui marqué par le fatum antique va inévitablement à sa fin comme le prélude au diptyque Justine/Claire le signifie dès les premières images Lars von Trier nous a averti comme le faisait le choeur de la tragédie antique qui soumettait au public avant même que la pièce ne soit jouée le destin incontournable des personnages


le premier volet du diptyque (le mariage) pèche sans doute par un excès de longueur mais se rattrape par sa nécessité en bousculant jusqu'à la nausée les angles filmiques (beaucoup de bougés de tangages de roulis) en posant le contexte familial sulfureux la pathologie envahissante et destructrice de Justine le dévouement sororal de Claire l'énigme cosmique de l'étoile rouge intermittente qui accompagne la noce et la mariée
dans le deuxième volet la progression dramatique servie par de magnifiques images s'organise autour du parcours supposé de   melancholia splendeur menaçante qui par sa beauté même subjugue Justine en osmose avec la planète maudite John en scientifique admiratif des merveilles de la nature (à peine soucieux) Léo en enfant émerveillé seule Claire crédule vivra ce cauchemar éveillé de l'incertitude sans jamais pouvoir surmonter son angoisse de l'anéantissement du néant jusqu'à l'extrême limite si magistralement mise en scène et dans laquelle Justine prendra enfin une dimension humaine plus positive en facilitant symboliquement le passage pour Léo dans la cabane magique ni dedans ni dehors construite de leurs mains


la mise en mots ne remplace pas la mise en images de ce conte moderne qui fait passer la terre en douceur de vie à trépas atténuant et/ou nous épargnant (peut-être) ainsi les affres d'une fin moins "romantique"
mais le mieux c'est finalement d'aller le voir et pourquoi pas d'en faire une mise en mots...


Synopsis Allo Ciné : À l'occasion de leur mariage, Justine et Michael donnent une somptueuse réception dans la maison de la soeur de Justine et de son beau-frère. Pendant ce temps, la planète Melancholia se dirige vers la Terre...
Resurgences : Il y a quelques années déjà, j'avais fait une tentative de transcription d'un rêve qui m'est revenu en mémoire à l'occasion de la découverte de Melancholia en raison  d'une proximité du sujet. Voir Et après dans Rêves Epars libellé L'étrange.

mercredi 24 août 2011

Côté salles obscures


une brusque envie de ciné pourquoi pas La piel que habito le dernier Almodóvar
après une introduction énigmatique dans laquelle nous découvrons une jeune femme sans nom séquestrée étroitement surveillée par vidéo intrusive soumise à d'étranges séances chirurgicales (voir synopsis en bas de page) prisonnière d'un monde clos vérouillé (presque) parfait où rien ne doit entrer ni sortir comme rien ne semble entrer ni sortir de Roberto (savant illuminé obsessionnel) Almodóvar cultive l'art de l'analepse au compte-goutte en distillant quelques flashs back salvateurs qui permettent d'élaborer du sens on comprend enfin quels liens unissent et/ou désunissent les personnages de Véra et Roberto (entre autres)
l'extrême tension ( Louise Bourgeois nous guette au coin du bois encore) n'a d'égale que l'extrême jouissance qui traverse Roberto sans doute (hypothétique mais probable)
à devenir M/maître d'un/une autre heure/leurre de la toute puissance aussi mais à ce jeu-là le psychisme et les affects de Vicente/Véra finissent par ménager le coup de théâtre qu'on n'attendait... presque plus et par lui échapper
belle esthétique belle plastique mesure et maîtrise d'un Almodóvar aux bords bien gommés loin des impétueux débordements esthétiques tension dramatique garantie égratignée parfois mais à peine par quelque personnage incongru sinistre et stupide
si la peur doit nous habiter elle n'est pourtant que subreptice mais incidieuse et continue inquiétude peur angoisse frayeur sourde créée par le climat "clinique" (sans jeu de mots) d'un univers inhabituel terreur peut-être aussi mais qui sait vraiment ce qui nous traverse
le trouble s'invite et s'installe durablement
interrogation identitaire anéantissement acceptation faussement consentie mais si crédible rejet différé transexualité ici forcée (clandestine) et ce malaise de l'après qui nous taraudera
vivre mais comment quand on se retrouve à son corps défendant dans la peau d'un/une autre ou bipolarité native enfin symboliquement admise et dévoilée par les subterfuges de ce conte moderne dont le thaumaturge plus naïf que prévu ne saura pas mesurer toute l'ambivalence masquée qu'il a engendrée



Synopsis Allo Ciné : Depuis que sa femme a été victime de brûlures dans un accident de voiture, le docteur Robert Ledgard, éminent chirurgien esthétique, se consacre à la création d’une nouvelle peau, grâce à laquelle il aurait pu sauver son épouse. Douze ans après le drame, il réussit dans son laboratoire privé à cultiver cette peau : sensible aux caresses, elle constitue néanmoins une véritable cuirasse contre toute agression, tant externe qu’interne, dont est victime l’organe le plus étendu de notre corps. Pour y parvenir, le chirurgien a recours aux possibilités qu’offre la thérapie cellulaire.
Outre les années de recherche et d’expérimentation, il faut aussi à Robert une femme cobaye, un complice et une absence totale de scrupules. Les scrupules ne l’ont jamais étouffé, il en est tout simplement dénué. Marilia, la femme qui s’est occupée de Robert depuis le jour où il est né, est la plus fidèle des complices. Quant à la femme cobaye…

jeudi 18 août 2011

Labyrinthe


Labyrinthique et précis, paradoxal et lisible, le parcours urbain de nos esclavages quotidiens et de nos évasions usuelles, s’inscrit en nous de jour en jour, avec simplicité. Automates conscients et libres sujets de nos contradictoires trajectoires, nous allons et venons d’ici à là et nous recommençons ici ou là, sans arrêt à la ville ou à la campagne.



Photo de mhaleph

mardi 16 août 2011

Rappel sur Aharon Appelfeld

"J'écris sans cesse sur des recoins de ma propre vie. J'ai quatre-vingt-six ans (c'est une longue vie…), ai écrit quarante livres. Chacun porte sur ma vie, certes, mais à partir d'un angle toujours différent. D'une zone bien spécifique de ma vie. Je ne cherche rien sur l'Histoire. Pour moi, écrire un nouveau livre veut dire que j'ai quelque chose de nouveau à dire, une chose que je n'avais pas vue avant."

En rangeant (plus ou moins) ma bibliothèque j'ai retrouvé trois livres d' Aharon Appelfeld que j'ai lus pratiquement en suivant. Depuis,  je n'ai pas réouvert un seul de ses livres mais je l'ai retrouvé comme écrivain témoignant de l'usage de l'hébreu en littérature dans le premier film de la trilogie de Nurith Aviv : D'une langue à l'autre, Langue sacrée langue parlée, Traduire  et comme héros (double fictif ?) dans Mensonges écrit par sa traductrice Valérie Zenatti.

Parcourant de nouveau rapidement Histoire d'une vie, Tsili et L'amour soudain j'ai jeté quelques notes dans un carnet qui m'a ensuite servi de support pour écrire trois petits articles sur ces trois titres. Pas les plus récents certes, mais un auteur ne s'apprécie pas nécessairement à sa dernière parution que je lirai sans doute mais à son heure, c'est à dire lorsque je serai vraiment tenter d'y plonger...

Histoire d'une vie

Une vie, celle d'Aharon Appelfeld, vue à travers les yeux de l’enfant devenu l’adulte qui évoque sa relation au passé, à l’écrit en regard de ce vécu lointain se rappelant encore à lui par des liens toujours férocement inscrits, aussi ténus soient-ils, dans sa mémoire parcellaire et dans sa chair. Imprévisibles ces liens souvent usés, parfois brisés et sectionnés par nécessité, se régénèrent pourtant et entraînent des réactions dans les situations les plus inattendues. Ils réactivent sans cesse des pans d’Histoire d’une vie et ne laissent jamais en repos celui qui les a vécus. L’écriture de cette autobiographie est simple et les chapitres courts. Ils ont la juste longueur pour s’imprimer efficacement dans la mémoire. Aharon Appelfeld précise au chapitre dix sept que son « écriture fut d’abord un claudiquement pénible» et qu’il ne se souvenait pas « des noms de personnes ni de lieux, mais d’une obscurité, de bruits, de gestes.» Il dit aussi qu’il comprit plus tard « que ces matières premières étaient la moelle de la littérature et que, partant de là, il était possible de donner forme à une légende intime» malgré l’absence « de témoignage à offrir.» Les faits furent alors traités avec réalisme et poésie, avec inquiétude et nostalgie, avec crudité et tendresse. C’est ainsi que ce livre est construit sur des paradoxes émotionnels et ne peut en aucun cas se laisser lire avec un seul regard. Il mobilise en nous plusieurs énergies. Il nous oblige à multiplier nos approches. Il nous rend sensibles à de multiples ressentis. Il ouvre notre Pathos. Il le fait mûrir au cours de ce voyage dans le temps : avant, pendant et après la deuxième guerre mondiale, à travers les plaines d’Ukraine, aux limites extrêmes de l’Europe centrale et occidentale jusqu’en Palestine. Un livre à nous faire faire des pauses pour réfléchir et recréer mentalement ses multiples tableaux.

Tsili

Avec Tsili, Aharon Appelfeld trace le portrait d’une toute jeune fille, qui restera dans la marge de sa vie comme dans celle de la guerre durant les trois ou quatre ans d’errance et de survie brute qu’elle vivra dans les plaines d’Ukraine jusqu’à son arrivée en Palestine. Non ce n’est pas une redite, et ce court récit reprend transposée la propre histoire de son auteur, d’une écriture simple et émouvante. Dans cette « aventure» sensitive, tout se dit dans l’élémentaire et l’essentiel grâce à cette écriture du dépouillement. Pas de mots en trop. Juste ce qu’il faut. Une expérience de lecture qui touche à vif. Comme Tsili, Aharon Appelfeld « ne prévoyait pas beaucoup de mots, une poignée » pour conter son parcours singulier.

L'amour soudain

Un beau livre, une belle histoire, comme on en lit peu, entre un homme vieillissant et malade qui essaie d’écrire et qui se souvient, et une femme jeune encore qui l’écoute et lui apporte toute son attention. Ernest s’abîme de jour en jour dans l’écriture à l’approche de son échéance et rétablit progressivement les liens qui le rattachent malgré lui à son passé proche et lointain, très lointain lorsque l’enfance lui parle. Ecrire le dévore, et lorsqu’il « écrit une phrase, il aspire de toutes ses forces à lui donner la forme la plus aboutie». Iréna, embarrassée par le langage, « ne parle pas beaucoup », mais elle tend l’oreille, à « chaque mot, chaque expression », à tous les mots scrupuleusement choisis qui la transportent dans les différents univers jalonnant la vie d’Ernest : univers enchanté des Carpates où vivaient ses grands-parents, univers muet et laborieux de ses parents, univers gratifiant de l’étude qui révèle l’enfant féru de littérature et passionné de livres « ses meilleurs amis », univers militant à double tranchant, univers de la sensibilité retrouvée sans sensiblerie. Chacun trouve le chemin de l’autre « du plus profond de son être ». C’est de l’amour : c’est pur, c’est naïf, c’est vrai. L’amour soudain c’est celui qui vient au monde sans se presser. Un paradoxe, encore.

lundi 15 août 2011

Art brut



Nous pouvons apercevoir entre deux coups de coude et le ballet incessant des pas pressés, sinon voir entre deux vagues humaines allant à contre sens, voire observer et contempler lorsque l’accalmie opère, des œuvres originales dont l’intérêt principal réside dans leur caractère éphémère. Un jour présentes, elles peuvent ne plus être au rendez-vous le lendemain. C’est en vain que nous jetterons quelques coups d’œil pour les retrouver. Où sont-elles ? Qui aurait décidé de les enfermer dans le papier de soie des codes bien rodés des expositions qui vendent tout et son contraire ? Dérobées ou gisantes sous le papier glacé des publicistes ? Nous n’en saurons rien, et nous chercherons en catimini à travers le flot incessant de nos concitoyens affairés, la prochaine œuvre d’art brut accrochée dans le souterrain numéro tant…



Photos de mhaleph

mardi 9 août 2011

Ligne

la ligne droite nette et sans bavure qui prend d’assaut les verticales et les horizontales rejoint théoriquement toutes les autres lignes de fuite vers le même horizon improbable

la ligne courbe elle suit les inflexions du vent et de la voix celles du contour de l’œil et de la lèvre adoucit nos perspectives calme nos nerfs fatigués et nos neurones en surcharge


Photo de mhaleph