mardi 31 juillet 2007

Demi-lune

Logis assoupi dans l'ombre,
Se détache le reflet

D'une pièce très éclairée
Dans un ovale parfait
Coupé par un grand mur sombre.

lundi 30 juillet 2007

Ingmar Bregman

Point de billet très savant en hommage à Ingmar Bergman qui vient de mourir sur l'île de Farö, mais très simplement le regret sincère de savoir disparu un cinéaste dont le travail me parle depuis mes années d'adolescence. Et ce d'autant plus que j'ai dernièrement renoué avec son cinéma en revoyant plusieurs de ses films en DVD, pas toujours des plus récents, et en relisant plusieurs passages de "Laterna magica".
"Les fraises sauvages", le premier film qui m'a permis de découvrir Ingmar Bergman, m'a plongée, puis replongée, dans l'univers onirique qui hante le personnage d'Isak Borg. Le voyage qu'il entreprend après un sombre rêve prémonitoire, et à l'issue duquel il sera honoré pour sa longue carrière médicale, est jalonné de nombreuses réminiscences et d'une rencontre. Les retours en arrière se font dans l'univers lumineux et complexe de sa jeunesse, lorsqu'il était amoureux de Sara insouciante et primesautière. Spectateur attentif ou personnage actif mais âgé de ces scènes du passé, Isak voyage doublement au cours de ce déplacement dans lequel sa passagère mais aussi sa bru Marianne lui renvoie un portrait peu flatteur de misanthrope. C'est aussi en effet au volant de sa voiture qu'il rencontre Sara, celle du présent, qui lui rappelle son amour de jeune homme. Cette jeune fille espiègle, vive, tendre et garçonnière, qui faisait du stop et qu'il a prise (flanquée de deux turbulents et trop bruyants compagnons), lui permettra enfin de prendre le recul nécessaire avec son lointain passé sans toutefois l'oublier. Si l'autre Sara, celle du passé, lui renvoie à travers son miroir l'implacable marque du temps et la conscience soudaine d'une vie vécue sans elle, Sara, celle du présent, émousse ses regrets et sa douleur et lui permet enfin de sortir de sa solitude et d'aider sa bru et son fils à ré-concilier leur(s) vie(s) avant que la mort n'arrive. C'est une passerelle qui l'apaise, qui l'humanise enfin. Le bilan de cette vie laborieuse n'est pas le constat sec d'un échec puisqu'Isak, ressentant comme Bergman lui-même "l'âge comme un sabotage" (Laterna magica, Folio 2338, p.60), réussit à se tourner vers les autres avec compassion avant sa fin prochaine.


De nombreux autres films de Bergman m'ont bien entendu interpellée et mériteraient qu'on les ressente et qu'on parle d'eux.

dimanche 29 juillet 2007

Jeux de "mirail "

Dans un petit essai, très sobrement intitulé "De la maladie", Virginia Woolf considère, d'après sa propre expérience du mal, que les "souffrants" sont entraînés dans des contrées très lointaines, inconnues et insolites.
Inconnues, car ce sont de vastes jachères jamais foulées. Ce sont des zones vierges pareilles à "une étendue de neige" lisse dans lesquelles l'esprit s'ouvre progressivement aux fantasmagories par l'observation et l'interprétation libre des éléments de la nature comme les nuages et les fleurs. La maladie libère donc d'une zone policée, ce que la raison et la fébrile activité humaine refusent.
Insolites, car en éveillant exceptionnellement les sens, en réveillant des "franchises enfantines", en réduisant les inhibitions, la maladie redonne de la signification aux mots. Non seulement elle amplifie leur impact, mais encore elle prend tout particulièrement en compte les perceptions "des sons et des couleurs" ainsi que les manières d'énoncer par le geste, "l'accent et la pause".
C'est peut-être et/ou sans doute pour toutes ces raisons que la maladie qui nous met "hors-la-loi" des sensations raisonnables et des pensées raisonnées, ne fait jamais l'objet d'un véritable intérêt littéraire. Point de panégyrique des maux à l'égal de celui de la passion, des sentiments élevés et des situations d'exception. Les plaies de l'humanité souffrante n'intéressent personne et Virginia Woolf constate parfois avec humour que les romans à la gloire des microbes, bactéries et virus de toutes sortes ne sont guère d'actualité.
Il est vrai que l'on a peu ou pas écrit en s'y attardant consciencieusement sur la maladie qui dure, se prolonge, s'éternise. Virginia Woolf comme en passant fait à peine référence à Proust et à De Quincey. En revanche, la littérature aime les agonies, mais brèves, fortes, violentes comme celles d'un enfant dans "La peste" de Camus et de Mme Chanteau dans "La joie de vivre" de Zola. Bien accueillie, l'agonie annonce une fin qui permettra de développer d'autres propos et de relancer du vivant.
Si l'instinct de survie veille sans cesse chez "les gens d'aplomb", ceux qui partent "inlassablement à l'assaut" de la vie, il n'est cependant pas absent chez les malades qui de sursauts en révoltes remordent au "bout de l'hameçon de la vie". Ils sont condamnés, comme tout un chacun, à "se tortiller" au bout de la ligne du vivant bien normé et bien sain, exempt de tout originalité sensorielle. De ce fait ils ne peuvent plus avoir accès à la poésie des interprétations fautives lorsqu'ils observent la nature ni à des lectures libératrices face à des textes ardus comme ceux de Shakespeare, bien loin des significations raisonnables et de l'empire-carcan des critiques faiseurs de loi.

samedi 28 juillet 2007

Détroit


Cliché photographique figé entre 6h et 7h. En tête, aucun texte en formation, aucune phrase poétique. Seulement des yeux et la consciense d'un très tôt lever pour assister à la traversée de ce passage entre deux mers. Juste le sentiment d'exister. Toute entière. De manière un peu brutale. Avec les ressentis immédiats et émerveillés de l'enfance qui se construit des mondes.





Soleil sur les Dardanelles
Photo de mhaleph

jeudi 26 juillet 2007

Le français en question

Lorsque je traverse une gare, je suis souvent tentée de jeter un coup d'oeil au kiosque Relay pour y acheter in extremis un livre de dernière minute qui ira rejoindre ceux qui sont déjà dans mes bagages. Début juillet à Montparnasse, je suis soudain tombée en arrêt devant "Conversations sur la langue française" de Pierre Encrevé et Michel Braudeau. Une lecture rapide de la quatrième de couverture m'a décidée à sauter le pas et à l'acheter. Je ne l'ai pas regretté et j'ai passé une partie du voyage et les jours suivants à lire ces quelques pages.
Ce livre qui, grâce à sa volonté d'explication et de clarté, s'adresse à tous ceux qui pratiquent le français ou plus précisément les français, devrait tout particulièrement intéresser les enseignants, les écrivains et les linguistes. Chacune des cinq conversations qui a lieu entre le maître linguiste et son ancien élève devenu écrivain se déroule (d'une manière un peu surfaite sans doute) dans un des grands jardins et parcs de Paris. L'ensemble forme cinq chapitres.
Au cours de cette balade verte, les auteurs, par un jeu de questions et de réponses, abordent la langue dans son extrême variété en diachronie et en synchronie, en mettant tout particulièrement l'accent sur la grande complexité du français qui n'est pas un mais multiple. C'est ce parti pris de considérer la francophonie dans sa "grande diversité" sans l'enfermer dans les codes étroits du "bon usage" de la langue qui a retenu mon attention.
Ce livre se lit, se relit, se feuillette à l'endroit et à l'envers, dans l'ordre et le désordre avec toujours la pensée qu' " il n'y a pas de certitudes, même grammaticales" comme l'écrit Marcel Proust à Mme Straus dans leur Correspondance (Poche n°3115). Entre grandeur et décadence, le français est-il une langue en voie de perdition comme l'affirme la rumeur? Rumeur sans doute bien mal fondée et très exagérée puisque ce sont 80 millions de francophones qui le pratiquent, l'enrichissent et le font évoluer.
Optimistes, Pierre Encrevé et Michel Braudeau ne perdent jamais de vue, et nous avec eux si nous sommes prêts à les entendre, que rien ne se fige dans la langue et que tout évolue. Une belle leçon de franchise réfléchie et d'ouverture. A méditer.

mercredi 25 juillet 2007

Fleur de pierre


Site antique d'Ephèse

Au milieu de l'imbroglio foisonnant des marbres sculptés, juste une toute petite fleur, ouverte tout doucement, vient mettre sa note candide sur la pierre vieillie. Elle seule m'a touchée.








Photo de mhaleph