lundi 3 octobre 2011

Littérature cubaine

Leonardo Padura, surtout connu pour son célèbre Mario Conde personnage évolutif de la chaotique société cubaine, offre à ses lecteurs un livre dense, mouvant, réflexif et d'une grandre complexité dans lequel ils se glisseront par les trois entrées principales ménagées par l'auteur : celle du narrateur fictif Iván le cubain, celle du catalan républicain Rámon Mercader, celle de Lev Davidovitch Bronstein alias Léon Trotski fondateur de la IVème Internationale et exilé permanent en Russie, en France, en Norvège, en Turquie puis au Mexique où il trouvera la mort. Il s'agit de "El hombre que amaba a los perros" (titre original) à traduire : "L'homme qui aimait les chiens". En fait on pourrait bien parler de quatre ou cinq entrées si l'on tient compte du retour récurrent de Kotov (l'homme aux multiples identités) mentor référent qui modèlera Rámon Mercader et de l'ombre omniprésente de Iossif Vissarionovitch Djougachvili  dit Joseph Staline pesant lourdement sur toutes les étapes clefs de la vie des personnages.
Comme une natte qui se fait et se défait, se refait, s'abandonne et se reprend, Leonardo Padura tresse un récit profond et complexe, abondamment et justement documenté (c'est la griffe du journaliste-chroniqueur qu'il fut qui apparaît là et qui l'a poussé à aller chercher loin en Espagne et au Mexique une documentation inexistante à Cuba... Ecouter l'interview de France Culture à ce sujet...), tout en donnant sa place à une perspective romanesque portée entre autres par une introspection développée chez les trois personnages principaux.

Ce récit entrecroise les vies des trois protagonistes sus-cités à des époques qui comme des clefs de voutes structurent le roman, à savoir : la guerre d'Espagne, la montée et l'implantation du fascisme en Europe, l'avant et l'après stalinisme, la seconde guerre mondiale et la crise cubaine...

Un livre prenant qui nous plonge au coeur de situations fortes, qui nous poussent à aller de l'avant non pour une fin en partie attendue - comme le destin déjà écrit d'un tragédie antique - mais pour les interrogations - souvent sans réponse - qu'il suscite, pour les lieux évoqués, pour les personnages rencontrés qui gravitent autour des personnages centraux.

Amateur ou néophyte, on ne peut manquer d'être captivé par ce roman politico-historique qui dépasse les partis pris et tente plutôt de mettre en évidences les violences de l'Histoire et des Idéologies dévoyées enfermées dans un fonctionnement psycho-rigide qui n'alimente que l'erreur et la terreur. A ce sujet lisez donc ce qu'en pense Yoani Sanchez la journaliste cubaine auteure du blog Generación Y et penchez-vous sur ses cauchemars pour mieux saisir la portée de ce livre dans un pays éminemment concerné par son sujet.

C'est le second roman historique captivant que je lis à quelques années de distance (autant dire que peu d'entre eux méritent autant d'éloges).
Une littérature magistralement menée pour " L'homme qui aimait les chiens" qu'on ne peut lâcher une fois commencé et qui laisse comme un vide quand on l'a terminé, comme ce fut le cas en son temps pour "The Darling" titre original de "American darling" de Russell Banks traitant une autre histoire romancée, celle des USA et du Liberia.