lundi 31 décembre 2007

Mandala



Voici le travail de Daniel qui avance dans la conception de son "BioGame" avec de nouvelles figures aléatoires qu'il a nommées "Mandala".
Bonnes méditations!




















Vidéos et photos de mhaleph

mercredi 26 décembre 2007

Jazz Band


"C'est si bon ..." de renouer avec le Jazz de la Nouvelle Orléans en plein Paris par un froid glacial et de se réchauffer aux sons du trombone et de la trompette, du banjo et du piano, de la contrebasse et de la batterie, sans oublier bien sûr la clarinette mise en vedette avec modestie par Woody Allen musicien de Jazz. Un agréable moment et un petit Noël bien sympathique dans ce vieux théâtre du Châtelet. Après le spectacle, une balade impromptue dans Paris grelottant, où la glace épaisse de cinq centimètres au moins recouvrait la fontaine Stravinski sur laquelle, braves ou inconscients, trois individus en mal de glissades s'étaient hissés.
Photo de mhaleph : Tickets

jeudi 20 décembre 2007

Un petit tour à Beaubourg n°3



Aujourd'hui, troisième étape du parcours Beaubourg avec la période de "l'Art Contemporain" (1960 à nos jours) qui a suscité bien des intérêts, des réflexions et des approches déductives fort intéressantes.
Pendant que les jeunes gens absorbés par leur guide et leurs interrogations, écrivaient et crayonnaient autour du noir et de la lumière de Soulage, dans le "Jardin d'hiver" de Jean Dubuffet, face au "Container Zéro" de Jean-Pierre Raynaud, ou encore aux pieds de "La mariée" de Niki de Saint Phalle, j'allai recueillir quelques images animées sur une table de bois brut avec "Sister" (1964) de Subodh Gupta et les grincements d'un "Autoportrait" (1988) de Jean Tinguely (1925-1991).



vendredi 14 décembre 2007

Calle Santa Fe au cinéma


"Calle Santa Fe", lire "Rue Santa Fe", est récemment sorti sur les écrans français mais de manière assez confidentielle car peu de salles le diffusent. Ce long métrage est un documentaire réalisé par Carmen Castillo en partie protagoniste de ce film qui conte, de manière fragmentaire et imbriquée, son histoire personnelle et politique liée à celle de son compagnon Miguel Enriques figure emblématique du MIR luttant contre la dictature de Pinochet et mortellement blessé rue Santa Fe, dans les faubourgs de Santiago du Chili, le 5 octobre 1974.
Entre les tensions, dues aux chocs successifs des allées et venues entre la France pays d'accueil de Carmen Castillo et le Chili des années 2000 où rien ne semble (seulement) subsister de ce passé lointain et tragique; entre les interrogations souvent douloureuses sur le bien fondé des actions de résistance active allant jusqu'au sacrifice des vies; entre les découvertes des nouvelles formes de lutte menées aujourd'hui par une autre jeunesse du même âge que celle des années 70, Carmen Castillo va et vient sans ostentation interrogeant et commentant de sa voix rocailleuse et étrangement "mûrie" ces événements qui ont changé le cours de sa vie.
Pour une excellente analyse suivez le lien suivant, "indispensable" comme le film lui-même, pour une meilleure appréhension de ce documentaire remarqué au Festival da Cannes dans la catégorie "Un certain regard": http://www.cahiersducinema.com/article1425.html et pour éviter un manichéisme réducteur.

jeudi 6 décembre 2007

Un petit tour à Beaubourg n°2



Passage à Beaubourg le jeudi 29 novembre 2007 et deux vidéos de la fontaine Stravinsky qui fonctionnait superbement bien ce jour-là aux pieds des affiches de JR fraîchement collées de la veille (Voir Focale au Vendredi 30 Novembre 2007).
Dans le musée Beaubourg même, un travail de découverte du Musée d'Art Moderne (1905-1960). Les jeunes gens attentifs ont toujours été très solliciteurs et demandeurs et se sont transformés pour quelques instants en dessinateurs et peintres improvisés. Leur objectif : ramener une matière visuelle graphique, picturale, photographique et une trace écrite de leur parcours du jour.



mardi 20 novembre 2007

Flash cinématographique


"La vie intérieure de Martin Frost" de Paul Auster renouvelle l'intérêt porté à l'écrivain qui depuis deux décennies au moins fait partie de mes livres de chevet. Relativement confidentiel, ce film ne doit actuellement passer dans guère plus d'une dizaine de salles en France. Si vous avez envie de le voir et que vous trouviez non loin d'une localité qui le présente, n'hésitez pas car il ne restera probablement pas très longtemps à l'affiche!
Simple dans sa conception, poétique et tendre dans sa manière de donner à voir et à entendre des instants de vie où rêve et réalité chevauchent ensemble, se juxtaposent et se confondent, nous introduisent sans en avoir l'air, sans avoir l'air de rien, comme si de rien n'était, sans avoir l'air d'y toucher, dans l'univers mental de Martin Frost dont la banale vie d'écrivain (car les vies d'écrivains sont banales) peut et va changer avec la rencontre, peu banale, elle, de Claire. Ni humaine, ni même fantôme, elle n'existe pas et n'a jamais existé hormis dans l'univers singulier de Martin Frost qui chaque jour et chaque nuit la fait vivre et la fait mourir. Construction de son esprit, muse entre deux mondes, elle ne vit que le temps d'un jeu de frappe et d'un jet d'encre sur le papier. Elle ne vit que le temps imparti à l'écrivain pour rédiger et lisser son histoire.
Film modeste et de peu de moyens, vous n'y trouverez aucun artifices ni aucun effets spéciaux. Avec simplicité il nous transporte dans un monde où les univers disjoints se rejoignent, se mélangent par le pouvoir de la parole et du regard, de l'effleurement. Mais qu'arrive-t-il quand la place assignée à chacun chavire et que le destin de la muse - ce chemin déjà balisé par les dieux qu'on lui trace sans cesse - ne répond plus aux règles. C'est sans doute ce que vous découvrirez en allant le voir et en jouant la carte de la candeur.






"Le premier cri" de Gilles de Maistre ou la naissance humaine à travers le monde, traitée dans un documentaire hors ligne. Tous les cas de figures y sont représentés.
Femmes des ethnies reculées et lointaines (indiennes amazoniennes, femmes touareg du désert, femmes massaï de Tanzanie...) sans assistance et donc sans choix, livrées à "la nature" et à "la pratique ancestrale" qui touche parfois ses limites et débouche souvent sur des drames : on les plaint.
Femmes en milieux traditionnels parfois extrêmes (vietnamiennes des campagnes, sibériennes nomades...) mais vivant dans des sociétés qui encouragent les femmes à accoucher dans des structures hospitalières (souvent inhospitalières compte tenu du travail à la chaîne qui s'y effectue, mais considérées cependant comme un atout et un progrès considérable par les nouvelles générations de mères qui ont finalement plus de chance de survivre) : on se dit qu'il était temps qu'on les aide. Pourtant, la femme pauvre du Gange aura recourt à "la sage femme devineresse" de son bidonville.
Femmes des sociétés développées à haute technologie médicale qui choisissent des accouchements marginaux:
-avec assistance médicale sérieuse (femmes mexicaines accouchant en piscine avec des dauphins ou en mer dans de petites criques protégées...) : on pense qu'elles ont su joindre la sécurité à l'agrément d'une naissance plus détendue. Ou moins sérieuse (femmes japonaises accouchant à l'ancienne sur tatami...) : on se demande quelle serait l'efficacité du vieux médecin qui les assiste s'il devait y avoir difficulté...
-sans aucune assistance médicale, dans l'infantilisme, l'idéalisme et le fatalisme les plus complets (femme québécoise vivant aux USA post baba cool dans un dangereux treap mental de la naissance naturelle idéalidée à l'extrême...) : on frémit à chaque instant de son inconscience, des risques inutiles qu'elle prend pour elle et pour son bébé afin de se conformer à un militantisme d'outre temps!
Et enfin, Femmes des sociétés développées à technologie médicale avancée qui choisissent un accouchement classique avec préparation respiratoire et sturctures hospitalières adaptées (femme parisienne danseuse...) : on se dit qu'elle a mis toutes les chances de son côté en utilisant les structures proposées (bien que celles-ci soient très décriées, mais mon propos n'est ni de les défendre ni de les dénigrer).
Ce film évite l'écueil d'une représentation idéalisée de la naissance. Car, même dans les meilleures conditions, dans les situations les plus privilégiées, il n'oublie jamais de souligner en passant de l'une à l'autre (ce qui évite la lassitude) que naître et faire naître s'est aussi souffrir dans les salissures des corps qui exhudent leurs humeurs par tous leurs orifices.
Un beau film qui permet de prendre la mesure des chances et malchances, des responsabilités et des inconsciences des unes et des autres.






"Le rêve de Cassandre" de Woody Allen ou le songe fou de deux frères complices qui rêvent leurs vies plus grandes qu'elles ne sont, plus belles qu'elles ne seront jamais. Empêtrés dans un visqueux réseau de relations familiales troubles et aliénantes, ils "choisiront" sans choisir, ils "voudront" sans vouloir, être à la hauteur de la perversion du clan en la personne d'un oncle mirifique "trop poli pour être honnête" et se conformeront à ses exigences. En une progression maîtrisée, à travers la personnalité fragile et versatile des deux frères, nous voyons progressivement se profiler le drame - non point final - mais celui de la conscience brisée. Peu à peu, le délit refoulé (c'est fait on en parle plus) installe ses pièges dans l'esprit du plus jeune et du plus vulnérable des frères, du plus inflençable aussi, qui mènera à sa perte une affaire si bien engagée ou en voie de l'être, après l'exécution d'un contrat crapuleux digne de la mafia locale plus que du quotidien sans histoires (ou presque) de deux jeunes travailleurs incertains. L'évolution de la mauvaise conscience a posteriori évoluera pour l'un jusqu'à la folie où l'accule son propre frère, évoluera pour l'autre jusqu'à l'interrogation ouverte qui demande enfin : "Jusqu'où puis-je aller (et non plus dois-je aller) pour me protéger moi qui suis un homme ordinaire?" Un film noir et pessimiste finalement qui fait monter la tension dans tout le corps au diapason de celle ressentie par l'esprit.







"L'ennemi intime" de Florent Emilio Siri ou la guerre d'Algérie comme on ne l'a encore jamais vue, avec un éventail de personnages archétypaux et un idéaliste, Candide de service. Mais de candeur en cauchemar, de coups de gueule en réflexion, de réflexion en pratique de terrain... les hommes changent... tellement que les situations se renversent parfois au moment où on ne l'attendait plus. Un film fort et violent. Complexe et nerveux qui évite les pièges du manichéisme et dégage une nouvelle brèche, une nouvelle voix "plus vraie" pour ouvrir le débat sur "les états d'âme" en temps de guerre. Peut-on survivre à une (sale) guerre en ayant une conscience? Que ce soit celle de l'équité ou celle de l'absurde? L'émergence d'une conscience de et en crise permet-elle de survivre à une guerre, comment et pourquoi ?...



Photo de mhaleph

samedi 3 novembre 2007

Heureux qui comme Ulysse

"Heureux qui comme Ulysse, a fait un beau voyage" d'après un poème de Joachim Du Bellay (1522-1560) dans le recueil "Les Regrets" par Ridan

Ridan - Ulysse
Vidéo envoyée par booahhh
Ridan - Ulysse

jeudi 1 novembre 2007

La fête des morts

A ceux qui sont partis ou qui sont restés ?


C'est le jour fatidique ou profondément joyeux. Le jour de tous les regrets ou celui de tous les bonheurs à communiquer avec les morts. Question de point de vue, question de culture. Ce soir il est bien tard pour écrire un article sur les relations diverses que nous entretenons avec nos morts à travers le monde. Si vous avez pensé à vos morts ni plus ni moins que les autres jours, personne ici ne vous en tiendra rigueur.

Peinture et collage photographique de mhaleph

De la photographie

Vidéo de mhaleph : Environnement Sonore dans l'escalier de l'exposition Edward Steichen



Hier, il faisait relativement beau. Une journée parfaite pour sortir entre quelques rayons de soleil pâles, quelques bouffées de vent apaisées, quelques gouttes de pluie attardées. Mes pas m'ont portée jusqu'au Jeu de Paume, place de la Concorde, où j'ai pu m'immerger presque trois heures durant dans l'exposition dédiée à Edward Steichen (1879-1973) peintre et photographe américain originaire du Luxembourg. Steichen, influencé par le symbolisme dans le première partie de sa carrière artistique, traversa plusieurs périodes photographiques après avoir abandonné définitivement la peinture dont il ne pourrait jamais vivre.




Personnellement, j'ai été particulièrement sensible à la partie probablement la moins connue de son travail, celle allant de 1895 à 1914 environ. La photographie et la peinture s'y conjuguent et s'y confondent, intimement liées dans le travail de ce pionnier de l'objectif, tant dans la composition que dans le traitement photographique. Vraiment difficile parfois de trancher. Peinture et photographie? Cette ambiguité est intéressante car elle gomme les limites existantes entre ces deux pratiques artistiques. Peinture ou photographie? On ne sait trop, même si à l'évidence on sait se trouver devant des tirages photographiques. Je pense notamment au remarquable "Autoportrait au pinceau et à la palette". N'oublions pas que Steichen, au début de sa carrière, dut se battre sans arrêt pour faire valoir ses convictions et faire entrer la photographie dans le domaine de l'Art. Sa photographie picturaliste, ne pouvait rester en marge et être considérée comme une oeuvre mineure.
Eclectique, Steichen s'illustrera aussi dans les premières photos aériennes au service des armées lors de la Première Guerre Mondiale. Après la guerre, il quittera la vieille Europe dans laquelle il avait quelque temps séjourné et s'installera définitivement aux Etats Unis où il ouvrira un Studio. Il s'exercera avec succès à la photographie publicitaire, mais si esthétique que l'on cherche parfois en vain le message commercial. Seules les légendes apportent des éclaircissements sur le propos photographique. Il excellera également dans les Portraits d'écrivains, musiciens, compositeurs, peintres, sculpteurs, mais surtout d'acteurs, danseurs et chanteurs des deux continents.Toutes ces personnalités, sont photographiées en fonction d'une caractéristique personnelle. L'artiste tente de les révéler par l'objectif. Il se distinguera encore dans la photographie de mode dans le domaine de la Haute Couture, pour des magazines de luxe tels que Vogue ou Vanity Fair et pour de grands couturiers. Très belles, le plus souvent parfaites, pour ne pas dire toujours parfaites, ces photos d'un esthétisme glacé ne sont pas celles qui ont le plus retenu mon attention ni le plus suscité mes nombreux arrêts et mes constantes observations. Non, je me suis promenée en glissant de l'une à l'autre sans jamais m'arrêter vraiment avant de jeter un coup d'oeil rapide à ses clichés de fleurs et de végétaux, qui venaient souligner sa passion sporadique pour l'horticulture. Venait ensuite une série de photos de propagande prises lors de la Deuxième Guerre Mondiale dans la Navy, où il créa une section de photographie.
A partir de 1946, Steichen intégra le MoMA où il devint Directeur du Département de la Photographie et organisa une exposition ethnique "The Family of Man", dans laquelle il rapproche, par ses clichés documentaires, les peuples du monde entier dans une fraternité universelle et utopique. Enfin, à la fin de sa vie, en 1961, il se retira dans le Connecticut où il photographiera et filmera jour après jour et ce jusqu'à sa mort en 1973 un arbre. Un seul arbre, comme le dernier représentant de la vie.


Panneau défouloir visible en sortant des toilettes

Petite déception tout de même : impossible de prendre la moindre photo même sans flash au Jeu de Paume. C'est du même ordre que l'interdiction d'accès au Jardin des Tuileries faite aux chiens, même tenus en laisse et muselés. Les toutous n'ont droit qu'à l'allée de bordure, bien séparée du reste du parc, qui longe la rue de Rivoli, comme les visiteurs de l'exposition n'ont droit qu'aux couloirs, toilettes, escaliers et espace d'accueil pour sortir éventuellement leurs appareils. Je ne me suis donc pas privée d'utiliser le mien pour enregistrer les drôles de bruits qui s'échappaient de la cage d'escalier chaque fois que quelqu'un ouvrait la porte. Ce passage obligé, menait de la partie européenne à la partie américaine de l'exposition, du sous-sol au premier étage. Sur la porte menant à l'escalier, on pouvait lire : "Attention un environnement Sonore a été installé dans cet escalier." Une fois averti, il suffisait de se lancer dans ce parcours transitionnel jalonné de bruits divers. Vous pouvez les découvrir, comme si vous y étiez, à partir de la vidéo qui se trouve au début de cet article.



L'escalier transitionnel

Si vous avez un peu de temps devant vous, si vous aimez la photographie et son histoire, le déplacement "en vaut la chandelle".

Photos et Vidéo de mhaleph

dimanche 28 octobre 2007

Du cinéma à Paname et ailleurs

La période cinéma a recommencé en entrant de nouveau dans la période hivernale. A la belle saison je suis tentée par d'autres activités, mais l'hiver arrivant et ce jusqu'aux prochains beaux jours, je deviens alors une cinéphile hebdomadairement sollicitée soit par le cinéma en salle, soit par le cinéma à la maison. Cela devient une nécessité pour créer une coupure efficace et une distance avec l'univers professionnel dont j'ai besoin de me distancer efficacement au moins une fois par semaine. Dernièrement donc, j'ai vu deux films très différents mais qui ont retenu mon attention.

Photo de mhaleph : Le miroir aveugle


Le premier, réalisé par Nicolas Klotz à partir du livre de
François Emmanuel La Question Humaine est un film austère mais fascinant qui ne dévoile que progressivement son sujet essentiel, soit dénoncer le broyage humain effectué en silence dans la plus grande indifférence et avec le maximum d'efficacité par les actes et le langage de la grande entreprise (ici S.C.Farb) , et notamment celui de la DRH, qui fonctionne aujourd'hui comme le langage codé employé par les nazis pour mettre en mots atones les procédures qui conduisirent au génocide. Ce parallèle entre le génocide historique et réel qui a eu lieu durant la Seconde Guerre Mondiale et le génocide Industriel quotidiennement perpétré avec la plus grande froideur, était très audacieux et l'équilibre à trouver très délicat pour ne pas tomber dans le scabreux.
Le film évite l'écueil et Mathieu Amalric - qui s'est antérieurement illustré dans Le scaphandre et le papillon de Julian Schnabel - dans le rôle principal d'un psychologue d'entreprise rongé et dérangé par une douloureuse prise de conscience fait le reste. La violence quotidienne qui s'exerce dans le monde des cols blancs est parfois suggérée, parfois montrée sans états d"âme. Toujours présente, larvée ou outrageusement visible, elle révèle que cet univers policé des entreprises est sans cesse à l'âffut de la gangrène et de la prochaine décapitation. Comme un couperet, la question humaine tombe et le malaise s'installe, la folie des limites barre l'horizon.
Le film a fait son travail : pointer "les oublis" contemporains relatifs à l'histoire, pointer "le déni des évidences". Etrange, difficile, glaçant mais percutant avec un chute superbe d'intensité dramatique. Un petit joyau d'une grande finesse, qui justifie tout le film, qui efface toutes nos perplexités.




Le second, est Le dernier voyage du juge Feng de Liu Jie. Pour ce premier long métrage, le réalisateur chinois, ancien directeur de la photographie sur d'autres productions cinématographiques, a délibérément choisi, malgré les risques de censure, d'évoquer la fracture qui existe entre la loi gouvernementale toute puissante dans l'absolu et la loi coutumière et ancestrale propre à chaque localité. D'un côté, la loi pour tous, applicable à tous, symboliquement représentée par l'emblème de la justice transporté avec vénération de village ethnique en village ethnique; de l'autre, la loi du clan et des chefs de villages. .
Au cours de ce voyage haut en couleurs et en micro-rebondissements jusqu' à l'issue tragique, le vieux juge Feng, sa greffière et assistante Tante Yang, le jeune juge An-Luo tout juste sorti de l'Université, vont affronter au quotidien, chacun à leur manière et avec leur propre histoire (malgré la ligne sacro-sainte!), les problèmes de querelles diverses qui amènent les villageois à saisir le tribunal populaire itinérant. Force est de constater, que cette justice "toute puissante" est inopérante sur le terrain de la Chine des confins, celle qui en marge vit encore au temps de la quasi féodalité, celle qui régie par ses propres codes ne peut se plier aisément aux grilles édictées et appliquées par le pouvoir central. C'est ainsi que le juge Feng, implicitement soutenu par Tante Yang, essaie, mais souvent en vain, d'accommoder deux mondes disjoints quitte à enfreindre lui-même la loi.
Pour réaliser ce film, Liu Jie a fait de nombreux voyages dans la province du Yunnan - qui ne comprend pas moins de douze minorités ethniques - au sud-ouest de la Chine et a vécu dans les villages avec les populations locales pour être au plus proche de leurs réalités. Entre fiction et réalité documentaire, ce réalisateur nous offre une vision relative de la notion de justice au travers des différentes situations et des personnages complexes et déjà mutants, cocasses, entêtés, sensibles, parfois pleins de retenue et de pudeur.
J'ai eu grand plaisir à voir ce film et j'attends le second qui portera sur les mutations urbaines de la Chine contemporaine avec intérêt.

jeudi 25 octobre 2007

Un petit tour à Beaubourg n°1



Vidéo de mhaleph : Dead drunk deer in Champagne dreams (1988) de Rebecca Horn (1944)

Aujourd'hui, un petit tour à Beaubourg m'a permis de croiser une installation amusante de Rebecca Horn dans ce grand palais de verre où se perdent les limites de l'intérieur et de l'extérieur. Désormais, chaque mois, une fois par mois, jusqu'en mai 2008, je serai associée à une action culturelle dirigée vers un groupe de jeunes garçons et filles arrivés depuis peu en France. Cette action vise principalement à les familiariser avec l'univers du musée, les notions d'art et de représentation (par qui, comment, pourquoi, etc...), elle vise également à les mettre en contact direct avec la langue par des pratiques orales, par la prise de notes succinctes, par divers travaux et exercices en relations avec les oeuvres et les espaces découverts. Cette action se déroulera sur huit séances de 2h chacune pendant huit mois. Chacune d'elle sera l'occasion de ramener une petite vidéo de circonstance et/ou quelques photos et de les joindre à ce blog.

dimanche 21 octobre 2007

Du domaine du mythe

Ernesto Guevara de la Serna alias Che Guevara ou El Che


Photo de mhaleph à La Havane en 2002

L'objectif n'est pas ici de faire un article supplémentaire sur le célébrissime "Comandante", car en ce moment je n'en ai ni le temps ni le loisir, mais de renvoyer à quelques liens afin de renouer avec cette figure mythique de la déjà lointaine "révolution cubaine" et revisiter ainsi les images souvent fragmentaires qui nous en parviennent.
Je ferai cependant référence, en le citant, à un article de Jorge Aulicino parut dans le Courrier International du 11 au 17 octobre 2007, n°884, qui évoque avec intelligence les images kaléidoscopiques qui ont servi à construire toute une représentation fantasmatique autour de sa dépouille sacralisée. Les uns ont voulu voir dans la photographie de Freddy Albora "La lamentation sur le Christ mort" d'Andrea Mantegna, d'autres ont fait référence à "La leçon d'anatomie" de Rembrandt. A quelques sept années de distance, elle vint se superposer à la non moins célèbre photographie d'Alberto Korda prise en 1960 lors d'un meeting et consacra définitivement le mythe. C'est cette dernière qui sera à l'origine "d'un déferlement d'images dont il n'est pas possible d'établir le contenu et la signification" aujourd'hui. En effet, "des milliers de jeunes qui n'étaient pas nés quand le Che est mort les arborent sur leurs tee-shirts, à même la peau ou sur la lunette arrière de leur voiture - des jeunes qui pourtant ne sont pas socialistes, qui ne le seront jamais et qui ignorent presque tout des idéaux révolutionnaires de Guevara."
Cependant, le personnage mythique, lointain, preux et valeureux comme un chevalier de l'ordre révolutionnaire si mondialement connu, reste un homme, sans doute complexe. Ce qu'il ne manquera pas de rappeler, dit-on, à l'heure de sa mort au sergent Mario Terán venu l'exécuter : "Visez bien, vous allez tuer un homme." Le rideau retombe. Sur un homme? Sur une légende? Sur un demi-dieu?
Voici les liens à suivre :
- Dix controverses sur Che Guevara parues dans Le Monde le 09-10-07
- Un site sur la vie et l'histoire de Che Guevara  :
* Che

lundi 15 octobre 2007

Merveilles vénitiennes

Point de longs discours, point de développements verbeux autour de Venise, mais une photographie. N'est-ce pas une vue inhabituelle de la Sérénissime? Si oui pourquoi? Vous pouvez chercher et répondre si vous voulez ;-)

Photographie de Mariano Fortuny

lundi 1 octobre 2007

Attention Peinture Fraîche



Dans un carnet, j'ai collé le billet d'entrée du Théâtre Le Mery où je suis allée voir la pièce "Attention peinture fraîche" de Lope Velez jouée par Lope Velez dans le rôle unique de Frida Kahlo. Frida en plein déballage dans une gallerie parisienne pense et rêve sa vie et à sa vie (à son semblant de vie) à travers ses toiles qui défilent entre ses mains qui les accrochent et les décrochent tour à tour, à la cadence de ses humeurs... vagabondes. Elle ne se prive pas non plus avec un franc parlé salutaire "de tailler une veste" bien ajustée et bien sentie aux surréalistes ainsi qu'aux intellectuels et aux idéologues de bistrots qui ont les fesses vissées sur leur chaise à longueur de journée. Une prestation en forme de monologue ou de dialogue imaginaire déployant l'éventail de tous les états d'esprits traversés par Frida en proie au mal absolu, à la douleur récurrente, à l'ironie et à la violence verbale les plus cinglantes, aux sentiments humains les plus prosaïques, aux petits bonheurs et aux petits malheurs quotidiens, à ses crises de conscience sur le bien fondé politique de son art, à ses illuminations idéalistes, à ses folies, à ses passions, à ses sagesses et à ses lucidités... malgré tout, malgré Diego Rivera qui la détruit autant que ses plaies jamais refermées. C'est un personnage trouble, profondément émouvant et ambivalent qui prend corps et voix devant nous durant 1h30 d'intensité dramatique. Tout se croise et se percutte en elle. Tout cohabite et tout explose en elle. Tout est vivant et excessif en elle. Comme son désir de mort. Ni sainte ni martyre Frida Kahlo vit sa douleur coupante comme de la "glace" jusqu'à son extrême limite et en meurt.

Photo de mhaleph : Lope Velez dans le rôle de Frida Kahlo, Théâtre Le Méry

dimanche 30 septembre 2007

Dernière minute


NON aux BASM


Signez la pétition en nombre, pour que cessent


la fabrication, la vente et l'utilisation de BASM.

Photo de mhaleph

jeudi 27 septembre 2007

Ken


Lire Yukio Mishima ce n'est pas tant suivre rigoureusement le fil conducteur du récit, c'est plutôt être cerné avec intensité par un réseau d'images sans grande netteté d'ensemble, mais doté d'une grande fulgurance dans le détail soudain zoomé et saisi en plein vol, avec la précision d'un regard d'aigle et la lenteur d'un ralenti éternel.


Image 1 : Il fait chaud. Un corps pivote. Mouvement lent du visage et de la tête autour de laquelle des cheveux noirs, fins et raides tournent aussi avec elle en corolle se soulevant légèrement. S'en détachent de fines gouttelettes de sueur, fraîches comme des gouttes d'eau à la source, qui se figent dans le vide, pareilles à une couronne de diamant.


Image 2 : Mouvement lent et puissant du corps qui suit le "Ken" dans le soleil rasant et oblique du dôjô. Léger déplacement du sable qui sous les pieds nus vole en pluie minérale figée dans l'air par l'objectif mental.


Image 3 : Vol fulgurant du kendôka, au terrible, subtil et magnifique sourire, fendant l'espace de l'intensité de son regard pour une frappe décisive, parfaite, d'une absolue maîtrise, sur le tatami brûlant.

"Ken" de Yukio Mishima, Folio n° 4043
Photo de mhaleph

samedi 15 septembre 2007

Techno Parade

Aujourd'hui en traversant le boulevard Sébastopol, je suis tombée sur la Techno Parade qui déferlait, très dense, très jeune. Forte de ses nouveaux slogans : " On change la terre" et de ses bucoliques distributions de graines : " Toi aussi, fais pousser des fleurs riches en pollen et en nectar!" dans le cadre de la campagne " Des fleurs pour mieux alimenter les abeilles!", distribuées par http://www.jacheres-apicoles.fr/ , elle était: Verte!


Silencieuse... ou presque...


Responsable


Militante!


Entre décibels et confusion, entre gentillesse et brusquerie, entre fous rires et susceptibilités, se lancerait-elle dans la voie de l'écologie pour hurler avec tous : "Relevons le défi pour la terre". Naîtrait-elle à une conscience utile et protectrice pour l'environnement? La question reste ouverte. Compte tenu du nombre important de jeunes gens, tous pays confondus, violemment attirés et alimentés par la techno, on serait tenté de penser que notre bonne vieille planète ne risque plus rien! La suite dans cinquante ans !...

Photos de mhaleph

Sicko


Le dernier film de Michaël Moore est sorti. Un cadeau sans doute empoisonné, car si le documentariste fidèle à lui-même dénonce les injustices flagrantes du système de santé américain privé fondé sur le seul profit et tournant résolument le dos aux assurés et patients, il tombe dans l’idéalisme le plus forcené quant aux systèmes de protection sociale canadien, français, britannique et cubain qui sont pourtant loin d’être la panacée universelle ! Moore fait là dans le simplisme le plus absolu.
Michaël Moore fait du Michaël Moore. Il fait le coup de poing (salutaire certes) pour dénoncer le système le plus immoral qui soit. Un système qui n’hésite pas à instaurer une discrimination en fonction des antécédents médicaux pour tous les postulants à l’assurance. Compte tenu du nombre de crises cardiaques, de cancers, de diabètes, de problèmes de cholestérol et autres joyeusetés qui peuplent le quotidien de nos civilisations modernes, on comprend de suite que peu de gens ont des chances d’être assurés… à part ceux qui n’attrapent que des rhumes ou des grippes bénignes…
C’est donc le premier point scandaleux dénoncé. En effet être assuré, c’est l’être la plupart du temps en prévision des situations graves qui nécessitent des frais médicaux (hospitalisation, intervention chirurgicale, traitement…) si exorbitants qu’ils sont inassummables pour le commun des mortels.
Deuxième point scandaleux bien dénoncé également, ce sont tous les épluchages draconiens effectués sur les dossiers de tous ceux qui, déjà assurés, se mettent (allez savoir pourquoi !) à ne plus aller tout à fait bien et à réclamer des sous… pour se faire soigner. Un comble ! Pourquoi faudrait-il débourser pour tous ces jeanfoutres et léser les actionnaires ! Le monde à l’envers qui poussent les assurances à fouiller sans relâche pour débusquer l’indice (même le plus arbitraire) permettant de rompre le contrat et donc l’obligation de remboursement.
Pour dénoncer et apporter des témoignages individuels qui nous arrachent presque parfois des larmes tant les situations présentées sont inhumaines, absurdes et tragiques (Pathos touché à fond) Michaël Moore est bon. Très bon même. Il nous fait comprendre peu à peu sur quel manque généralisé d’éthique fondamentale repose le système de santé américain. Il pourrait s’intituler : «Marche ou crève ! »
En revanche, Michaël Moore gagnerait sans doute en crédibilité en usant de plus de finesse dans ses analyses des systèmes de protection sociale canadien, outre atlantiques et cubain. Sans vouloir jeter la pierre à notre bon vieux et beau système hérité du Front Populaire en 36, ou à celui de la Grande-Bretagne issu de l’après-guerre en 48, ou encore à celui de Cuba redevable à la Révolution de 61, sans parler de celui du Canada, je ne puis m’empêcher de penser qu’il y a soit une pointe de naïveté soit une pointe de malhonnêteté inconsciente à force de vouloir bien faire, à renvoyer dos à dos deux systèmes, l’un absolument machiavélique (et il l’est) et l’autre par trop idyllique. C’est sans doute, sans le vouloir, tromper un peu le citoyen américain que de lui faire croire que tout est « parfait et gratuit » ailleurs. Lorsque le système marche il marche bien, c’est vrai. Mais marche-t-il aussi bien qu’il en a l’air ? Que pensez du manque de places en crèches, du manque de personnel dans les hôpitaux, des soins pas toujours remboursés à la hauteur de ce qu’on attend, notamment les dents ! Un gouffre ! D’autre part, le merveilleux système médical cubain laisse rêveur… Certes ces insulaires-là ont une réputation d’excellence en matière de compétences, mais ensuite… les moyens mis à la disposition des praticiens pour secourir leurs patients restent disons précaires, voire inexistants… Michaël Moore nous montre sans doute le seul hôpital de pointe de La Havane qui soigne le Leader Maximo et où rien ne manque ou presque, et la pharmacie la mieux approvisionnée du pays… car les autres… Voyez la photo d’une pharmacie prise au centre de La Havane en 2002 en haut de l’article et concluez… Vous allez me dire qu’ils ont fait des progrès depuis. C’est possible ! Mais à ce point ! Cela dépasse les prévisions ! N’oubliez tout de même pas d’emporter des médocs et une trousse d’urgence de base si vous allez à Cuba : ça peut servir et c’est plus prudent. S’il vous reste quelques bricoles médicamenteuses au moment de partir beaucoup de cubains seront ravis de les récupérer gratis !
Ceci mis à part, chapeau bas tout de même à Michaël Moore pour son audace et sa ténacité à affoler les autorités américaines. Ce qui reste exemplaire dans son film, c’est la mise en évidence de la spéculation financière sur du vivant : les assurés, c’est la mise en relief de l’exploitation financière la plus éclatante qui soit puisqu’elle s’appuie sans vergogne sur la détresse et la misère humaine.
Autre point fort, les témoignages des administratifs et des praticiens ayant travaillé dans des compagnies d’assurances privées et n’ayant plus pu supporter le travail de bourreau et de tortionnaire qu’on leur imposait, malgré une grasse contrepartie financière. Leur conscience plus forte que leur appât du gain l’a emporté : c’est tout à leur honneur mais a posteriori pas sans dommages collatéraux. Comment vivre en effet en sachant que vous aidez des gens à remplir des dossiers de demande d’assurance inutiles qui ne seront jamais acceptés, en sachant que vous devez coûte que coûte débusquer le grain de sable qui fera capoter un contrat, en sachant que vous devez systématiquement rejeter les dossiers qui entraîneraient les remboursements les plus lourds, en sachant enfin tout simplement que vous êtes devenu un assassin grassement payé pour tuer (en douceur ?) et de surcroît plébiscité par votre employeur ? Un cauchemar même pas climatisé celui-ci !
Enfin, dernier point important, le témoignage des américains de Paris rencontrés par Moore, qui insistent tout de même bien sur le grand écart qui existe réellement en matière de démarche et de protection sociale entre le pays de cocagne américain et la vieille Europe aussi imparfaite soit-elle. Deux mentalités, deux éthiques qui s’opposent et s’affrontent.
Malgré bien des défauts, le film de Michaël Moore reste une plateforme de dénonciation efficace, propre sans doute à bouleverser et à faire bouger les citoyens américains exploités et écrasés par et dans leur propre système. C’est aussi un avertissement en direction des citoyens européens notamment, qui ne sauraient être trop vigilants pour éviter qu’un jour, nous n’en arrivions à ces extrémités scandaleuses.
Conclusion : allez le voir et jugez vous –même !


Photo de mhaleph

mercredi 12 septembre 2007

Ni d'Eve ni d'Adam

Lu dernièrement entre deux rames de métro, le dernier Amélie Nothomb qu'on venait de m'offrir. Cadeau sulfureux (sans vouloir faire de mauvais esprit) à manier avec des pincettes, me dis-je, tant ses livres, la plupart du temps indigents, valaient pour moi le néant absolu. Des ouvrages qui ne s'impriment pas dans ma tête et que je ne lis éventuellement que si j'ai du temps à perdre ( il faut croire que c'était le cas!), que si une bonne âme m'en prête ou m'en offre un. Précisons cependant, que le cadeau était exceptionnel car l'intrigue d'inspiration autobiographique se situait au Japon. En effet, après avoir longuement précisé que je zappais systématiquement Amélie Nothomb en raison du peu de consistance de sa prose, j'ajouterai toutefois qu'il existe l'exception asiatique ou les livres écrits en relation avec cette expérience d'enfance. Un univers qui l'a marquée en Chine et au Japon et dont elle a su tirer quelque chose d'intelligent et de novateur. Je pense bien entendu aux livres suivants: "Le sabotage amoureux" (période chinoise), "Stupeurs et tremblements" (dont le film qui en a été tiré est tout à fait appréciable) et "La métaphysique des tubes" (période japonaise).
"Ni d'Eve ni d'Adam" appartient à la même mouture que les ouvrages précédemment cités, mais en moins élaboré du point de vue narratif. On ne peut cependant pas lui enlever une verve maligne autodérisoire qui ne manque pas d'entrain et qui peut sinon séduire tout au moins faire avantageusement sourire et rendre agréable et sympathique cette lecture. Peut-être y a-t-il quelques passages un rien surfaits ou idéalisés, mais l'ensemble reste tout à fait honorable. En effet, Amélie Nothomb manie enfin savamment et humoristiquement la plume dans un certain souci d'authenticité (elle sonne sans doute vraie), lorsque le "je" mis en jeu a la vedette. Elle ne semblerait en fait bien produire que dans ces conditions réunies. Cependant, sauf à faire preuve dans l'avenir d'imagination et d'audace, la veine asiatico-autobiographico-littéraire risque de s'épuiser.
L'amour immense et fantasque qu'elle voue au mont Fuji et à la nature nippone, le parti pris de fantaisie qu'elle adopte pour parler du Japon via le personnage de Rinri, entre autres, entretiennent une prose sautillante qui nous entraîne légèrement dans les réalités sociales et culinaires du pays du Soleil Levant, sans parler des quiproquos permanents qui pointent à l'horizon de la langue et de la relation amoureuse. Elle fait donc ainsi de cette histoire (à découvrir) un petit roman (écrit gros) qui se lit sans animosité "en deux coups de cuillères à pot". Un bon divertissement.

Photographie de mhaleph : Adam et Eve, angle du Palais Ducal, Venise

samedi 1 septembre 2007

Blanc sur blanc



Cherchez la nuance...

"Art" ou l'art de l'affrontement et des vérités qui blessent autour d'une toile blanche qui, peut-être, ne l'est pas tout à fait a été ma perle rare de la journée avec un retour sur les images de cette pièce hors norme.

Trois amis se froissent, se querellent, s'entretuent, s'apitoient se consolent, se réconcilient et se trompent (à nouveau...) en 1h25 de savoureux dialogues et d'apartés éclairants, portés par trois acteurs hors pair : Fabrice Luchini, Pierre Arditi, Pierre Vaneck, pour lesquels Yasmina Reza écrivit spécialement la pièce. Un vrai plaisir à suivre les ricochets des mots et de la pensée.

Prenez le temps de lire ou de relire "Art" ou prenez 1h25 pour voir ou revoir la pièce dont vous trouverez la vidéo (de piètre qualité cependant) sur igoogle-video ou dailymotion. Vous ne le regretterez sûrement pas.

vendredi 31 août 2007

Néolithique

Photographie de mhaleph : Pierre à cupule et signes énigmatiques


Un jour de juillet il y a quelques années, je me suis retrouvée presque par hasard sur un chantier de fouilles près de Thonon-les-Bains en Haute Savoie. Je séjournais dans la région et j’avais appris par le bouche à oreille que le site serait visible un soir par semaine en fin d’après-midi pour satisfaire la curiosité des néophytes, lesquels, pour certains d’entre eux, s’autorisaient à envahir les lieux avec sans gêne à n’importe quel moment de la journée, gênant ainsi le travail des archéologues.
Pour l’essentiel, le site était une vaste nécropole datée de – 4000 à – 3000 avant J-C. Ni le terrain défoncé, ni les tombes ouvertes, ni celles à ouvrir et à fouiller n'étaient très impressionnants – encore des vestiges, se dit-on –, mais ce qui l’était en revanche, c’était de ressentir une proximité si lointaine avec ces hommes et ces femmes qui ressurgissaient alors qu’on avait oublié leur existence. Soudain, ils étaient là. Malgré le peu de sciences que l’on possède en ce domaine, on veut les voir, établir le contact, connaître leur histoire, savoir ce qu’ils ont à nous dire depuis le fond de leur âge. L’impatience nous guette, nous recherchons l’anecdote et nous en sommes finalement réduits à des hypothèses construites à partir de pas grand-chose. Ce texte ne sera pas savant et je ne rapporterai pas fidèlement tous les propos d’intérêt du spécialiste, car pour plus ample information il suffit de consulter dans «
Le Monde » les archives du 27 juillet 04 qui titre : « Caveaux de famille au néolithique ». Je tente simplement d’écrire ce que j’ai vu et pensé au moment où je me trouvais sur les lieux, les pieds dans la poussière ocre sous le soleil encore cuisant malgré l’heure tardive.
Un terrain de fouille bouleversé n’a rien de très attractif vu de loin. Mais, ensuite, c’est le détail, tous les détails qui font sa différence avec le champ voisin labouré dans lequel personne n’a jamais rien trouvé. Ici, un arc de pierres polies autour d’une tombe comme pour la protéger. De quoi ? On ne sait. Là, la sépulture de la femme aux neuf cents perles qui reposait dans son coffre de pierre – du schiste feuilleté – avec son nouveau né, près du carré des enfants. Plus loin le caveau d’un couple dont d’aucuns ont imaginé l’histoire en fonction de leurs fantasmes. Rituel : sacrifice de la femme suivant l’homme dans la mort. Tragique : des Roméo et Juliette du néolithique. Prosaïque : un empoisonnement aux champignons. On ne sait. Plus loin encore, une fosse à ciel ouvert, éventrée au pic et au levier par des pilleurs de tombes, dans laquelle rien ne fut trouvé, pas même un squelette. Là-bas, les emplacements des caveaux aux coffres de bois aujourd’hui disparus, mais dont on détermine l’emplacement grâce aux galets qui les calaient. Dans un chemin annexe, alignées par les soins des fouilleurs, les dalles de fermeture. Des corps enfin, ou ce qu’il en reste, repliés sur eux-mêmes, seuls ou accompagnés par deux, par trois, par quatre, par cinq, par six… Des ossements soigneusement rangés, parfois effondrés sous l’effet de l’entassement ou du prélèvement de quelque os mystérieusement disparu. Pour quel usage ? On ne sait. On suppose, seulement.
J’ai regardé la campagne environnante, aujourd’hui un plateau érodé par les cultures, entouré de champs, de prairies et de petits bois, qui devait être – il y a si longtemps – un ensemble doucement vallonné. J’ai fait abstraction de ce qui m’entourait et j’ai commencé à déambuler mentalement. J’ai pensé aux objets trouvés dans les tombes. Peu de choses à vrai dire. Des perles, principalement de lignite, des fragments de poteries et un coquillage méditerranéen inclus dans une parure. Ce coquillage insolite et incongru aux pieds des montagnes permettait toutes les dérives. Je me demandais comment il avait pu arriver jusque là, aussi loin de la côte méditerranéenne, à une époque où l’on ne devait pas se déplacer au-delà d’un périmètre de plus de cinquante kilomètres au cours d’une vie. Mais de colportage en colportage, peut-être avait-il mis deux ou trois siècles avant d’échouer dans cette région comme le fit remarquer le spécialiste. J’avais ma réponse. Enfin, ce n’était encore qu’une hypothèse.
Eux sont passés. A présent c’est nous qui passons, jour après jour. Je ne sais quel est le lien entre eux et nous sinon la place éphémère de chacun. Une poussière microscopique, à l’échelle de l’univers. A l’échelle de ce que nous pensons être aujourd’hui l’univers. Enigmatique.

Pensées croisées

Dame en son "pensement"



"La Dame aux pensées", Musée du Louvre, peinture italienne du XV°s

Aussi désagréable que cela puisse être, il n'est pas inutile de se rappeler que le pire peut survenir sous toutes ses formes, n’importe où, n’importe quand et qu’il n’épargne personne, absolument personne.
Quels que soient les défauts de nos méandres cérébrospinaux, ils ont ensemble le bon ou le mauvais goût (à chacun d’apprécier selon ses critères ou de nuancer) de nous rappeler que l’inconscience quotidienne, que la marginalité dans le bonheur ne sont pas au goût du jour. Ce sont des utopies, des vues de l’esprit rassurantes, des conforts mal venus.
Aujourd’hui (comme autrefois) tout le monde paie en tout lieu et en tout temps car l’Histoire et ses Evénements croisent l’histoire de tous et de chacun, car les Faits de Société frappent à la croisée des vies individuelles. Rien n’est personnel, tout est collectif. Tout se fonde sur des interférences sans arrêt renouvelées prenant en écharpe le Tout et les Parties. Rien n’est dissociable. Tout est indissociable.


Photo de mhaleph

mercredi 29 août 2007

Digression

Pour reprendre un mot de Daniel, les carnets souples, grands ou petits, sont devenus peu à peu avec le temps passant "l'inutilitaire indispensable", comme une seconde peau dans laquelle on peut se glisser comme on glisse un carnet dans une besace ou une poche.
En tête de la plupart des carnets, on peut lire : "In case of loss, please return to : ...", puis : "As a reward : ..." Mise à part la référence à la récompense qui me paraît tout à fait cocasse, je me disais que je serais bien embarrassée si je perdais l'un de ces carnets et qu'un(e) inconnu(e) me le retourne à l'adresse que j'aurais due écrire dans la rubrique réservée à cet effet.
Embarrassée, car je n'aimerais pas avoir été lue sans le vouloir. Qui, en effet, ne serait pas tenté d'ouvrir et de lire un carnet oublié sur un banc, dans un bistro, dans un parc, dans un musée ou dans tout autre lieu? Qui résisterait vraiment à cette tentation offerte d'entrer dans un autre univers sans y être invité?
Vous êtes-vous déjà posé la question? Je m'étais toujours interrogée sur l'indiscrétion des autres. Existait-elle réellement et jusqu'à quel point? Aujourd'hui, je me renvoie la question à moi-même, pour la première fois, me semble-t-il. Je n'arrive pas à y répondre nettement. Et vous?


Photo de mhaleph

mardi 28 août 2007

Pour le goût

Embrassée en un seul coup d'oeil
Huile sur toile, 2.80x1.40, 1646

"La cuisine de anges" de Murillo, Louvre

 
"La cuisine de anges" fut exécutée par Murillo en 1646 pour les franciscains du monastère San Francisco El Grande de Séville. Le sujet est celui d'une vision "culinaire" (les anges préparant avec célérité le repas de la communauté) du Frère Dirraquio surpris (en lévitation dans sa cellule) par le Prieur.
Réussir à voir cette grande toile en une seule fois n'est pas chose aisée. Il faut prendre suffisamment de recul, et une fois fait, s'asseoir sur la banquette réservée à cet effet pour prendre le temps de détailler la composition inhabituelle. Trois parties juxtaposées ou imbriquées dont une est particulièrement réaliste (à l'exception des anges) dans la représentation de la cuisine. "Ne peignons que ce que nous avons vu, ou que nous pourrions voir", dit Goya. Beaucoup de précisions et de détails donc, sur ces natures mortes insérées dans la toile, sur le gigantisme de cet univers presque "gargantuesque", sur la force tranquille de ces corps célestes à l'opposé des représentations éthérées généralement réservées à cette catégorie de personnages. Rien de connu jusque là, car ces mélanges volontaires sont exceptionnels dans la peinture du XVII°siècle.
Si je me suis attardée devant cette oeuvre de grand format, c'est que non seulement j'ai toujours eu un faible pour Murillo, mais encore pour cette cuisine particulière dont les anges centraux et latéraux ornent mon propre espace culinaire depuis des années...

Photo de mhaleph

Coup de crayon

La dicrète section des Arts Graphiques du Musée du Louvre, présente jusqu'à mi-octobre, un ensemble de dessins. Ce sont, pour la plupart, des oeuvres de Goya et de Murillo.
Le dessin reste la base même de l'art chez Goya (1746-1828), sans dessin point de peinture. Et de fait, il ne peindra et ne sera reconnu que tard. Le ton de l'artiste est surtout grinçant autour de sujets tels que la peur, l'infirmité, la vieillesse, la folie, le mal. Le tracé ferme et souple à la fois, évoque avec justesse et esprit d'à-propos :
- la fébrilité mouvementée d'un homme qui tel un feu follet se démène pour échapper aux flammes qui le cernent avec "¡Fuego! ¡Fuego!"
- le ventre énorme, les membres courts et tordus de "L'enfant difforme" encore nourrisson et de "Lo mismo" plus âgé, de dos, voûté, lourdement appuyé sur un bâton
- la pitoyable silhouette d'une petite vieille tendue vers l'avant dans l'espoir fou d'une alliance dernière dans "¡Que disparate pensar aun al matrimonio!"
- "Le Fou par scrupules" se balançant tête en bas sans raison
- "La mauvaise femme" maltraitante oeuvrant pour le service du Diable en lui sacrifiant des enfants nouveaux nés.
Dans la pénombre des trois petites salles où sont exposés les différents dessins, l'atmosphère est un peu lourde et oppressante au milieu de ce musée des horreurs, à peine compensées par deux ou trois croquis aux notes plus gaies et par la tête d'ange qui fait l'affiche de l'exposition.
Murillo (1617-1682), lui, reste sur des sujets célestes plus en demi-teinte qui mettent une note apaisante à ces visions de cauchemar.
Vous pouvez retrouver ce travail graphique dans la base Joconde du Ministère de la Culture : http://www.culture.gouv.fr/documentation/joconde/fr/pres.htm

"Mala muger" de Francisco José de Goya y Lucientes, Louvre
Photo de mhaleph