mardi 20 novembre 2007

Flash cinématographique


"La vie intérieure de Martin Frost" de Paul Auster renouvelle l'intérêt porté à l'écrivain qui depuis deux décennies au moins fait partie de mes livres de chevet. Relativement confidentiel, ce film ne doit actuellement passer dans guère plus d'une dizaine de salles en France. Si vous avez envie de le voir et que vous trouviez non loin d'une localité qui le présente, n'hésitez pas car il ne restera probablement pas très longtemps à l'affiche!
Simple dans sa conception, poétique et tendre dans sa manière de donner à voir et à entendre des instants de vie où rêve et réalité chevauchent ensemble, se juxtaposent et se confondent, nous introduisent sans en avoir l'air, sans avoir l'air de rien, comme si de rien n'était, sans avoir l'air d'y toucher, dans l'univers mental de Martin Frost dont la banale vie d'écrivain (car les vies d'écrivains sont banales) peut et va changer avec la rencontre, peu banale, elle, de Claire. Ni humaine, ni même fantôme, elle n'existe pas et n'a jamais existé hormis dans l'univers singulier de Martin Frost qui chaque jour et chaque nuit la fait vivre et la fait mourir. Construction de son esprit, muse entre deux mondes, elle ne vit que le temps d'un jeu de frappe et d'un jet d'encre sur le papier. Elle ne vit que le temps imparti à l'écrivain pour rédiger et lisser son histoire.
Film modeste et de peu de moyens, vous n'y trouverez aucun artifices ni aucun effets spéciaux. Avec simplicité il nous transporte dans un monde où les univers disjoints se rejoignent, se mélangent par le pouvoir de la parole et du regard, de l'effleurement. Mais qu'arrive-t-il quand la place assignée à chacun chavire et que le destin de la muse - ce chemin déjà balisé par les dieux qu'on lui trace sans cesse - ne répond plus aux règles. C'est sans doute ce que vous découvrirez en allant le voir et en jouant la carte de la candeur.






"Le premier cri" de Gilles de Maistre ou la naissance humaine à travers le monde, traitée dans un documentaire hors ligne. Tous les cas de figures y sont représentés.
Femmes des ethnies reculées et lointaines (indiennes amazoniennes, femmes touareg du désert, femmes massaï de Tanzanie...) sans assistance et donc sans choix, livrées à "la nature" et à "la pratique ancestrale" qui touche parfois ses limites et débouche souvent sur des drames : on les plaint.
Femmes en milieux traditionnels parfois extrêmes (vietnamiennes des campagnes, sibériennes nomades...) mais vivant dans des sociétés qui encouragent les femmes à accoucher dans des structures hospitalières (souvent inhospitalières compte tenu du travail à la chaîne qui s'y effectue, mais considérées cependant comme un atout et un progrès considérable par les nouvelles générations de mères qui ont finalement plus de chance de survivre) : on se dit qu'il était temps qu'on les aide. Pourtant, la femme pauvre du Gange aura recourt à "la sage femme devineresse" de son bidonville.
Femmes des sociétés développées à haute technologie médicale qui choisissent des accouchements marginaux:
-avec assistance médicale sérieuse (femmes mexicaines accouchant en piscine avec des dauphins ou en mer dans de petites criques protégées...) : on pense qu'elles ont su joindre la sécurité à l'agrément d'une naissance plus détendue. Ou moins sérieuse (femmes japonaises accouchant à l'ancienne sur tatami...) : on se demande quelle serait l'efficacité du vieux médecin qui les assiste s'il devait y avoir difficulté...
-sans aucune assistance médicale, dans l'infantilisme, l'idéalisme et le fatalisme les plus complets (femme québécoise vivant aux USA post baba cool dans un dangereux treap mental de la naissance naturelle idéalidée à l'extrême...) : on frémit à chaque instant de son inconscience, des risques inutiles qu'elle prend pour elle et pour son bébé afin de se conformer à un militantisme d'outre temps!
Et enfin, Femmes des sociétés développées à technologie médicale avancée qui choisissent un accouchement classique avec préparation respiratoire et sturctures hospitalières adaptées (femme parisienne danseuse...) : on se dit qu'elle a mis toutes les chances de son côté en utilisant les structures proposées (bien que celles-ci soient très décriées, mais mon propos n'est ni de les défendre ni de les dénigrer).
Ce film évite l'écueil d'une représentation idéalisée de la naissance. Car, même dans les meilleures conditions, dans les situations les plus privilégiées, il n'oublie jamais de souligner en passant de l'une à l'autre (ce qui évite la lassitude) que naître et faire naître s'est aussi souffrir dans les salissures des corps qui exhudent leurs humeurs par tous leurs orifices.
Un beau film qui permet de prendre la mesure des chances et malchances, des responsabilités et des inconsciences des unes et des autres.






"Le rêve de Cassandre" de Woody Allen ou le songe fou de deux frères complices qui rêvent leurs vies plus grandes qu'elles ne sont, plus belles qu'elles ne seront jamais. Empêtrés dans un visqueux réseau de relations familiales troubles et aliénantes, ils "choisiront" sans choisir, ils "voudront" sans vouloir, être à la hauteur de la perversion du clan en la personne d'un oncle mirifique "trop poli pour être honnête" et se conformeront à ses exigences. En une progression maîtrisée, à travers la personnalité fragile et versatile des deux frères, nous voyons progressivement se profiler le drame - non point final - mais celui de la conscience brisée. Peu à peu, le délit refoulé (c'est fait on en parle plus) installe ses pièges dans l'esprit du plus jeune et du plus vulnérable des frères, du plus inflençable aussi, qui mènera à sa perte une affaire si bien engagée ou en voie de l'être, après l'exécution d'un contrat crapuleux digne de la mafia locale plus que du quotidien sans histoires (ou presque) de deux jeunes travailleurs incertains. L'évolution de la mauvaise conscience a posteriori évoluera pour l'un jusqu'à la folie où l'accule son propre frère, évoluera pour l'autre jusqu'à l'interrogation ouverte qui demande enfin : "Jusqu'où puis-je aller (et non plus dois-je aller) pour me protéger moi qui suis un homme ordinaire?" Un film noir et pessimiste finalement qui fait monter la tension dans tout le corps au diapason de celle ressentie par l'esprit.







"L'ennemi intime" de Florent Emilio Siri ou la guerre d'Algérie comme on ne l'a encore jamais vue, avec un éventail de personnages archétypaux et un idéaliste, Candide de service. Mais de candeur en cauchemar, de coups de gueule en réflexion, de réflexion en pratique de terrain... les hommes changent... tellement que les situations se renversent parfois au moment où on ne l'attendait plus. Un film fort et violent. Complexe et nerveux qui évite les pièges du manichéisme et dégage une nouvelle brèche, une nouvelle voix "plus vraie" pour ouvrir le débat sur "les états d'âme" en temps de guerre. Peut-on survivre à une (sale) guerre en ayant une conscience? Que ce soit celle de l'équité ou celle de l'absurde? L'émergence d'une conscience de et en crise permet-elle de survivre à une guerre, comment et pourquoi ?...



Photo de mhaleph

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour,

Ces films je les ai vus aussi et je suis étonné que ton blog "Textes et images" suscite aussi peu de réactions car je pense qu'il en mérite davantage. Bravo !

Le Lutin

Anonyme a dit…

"L'ennemi intime" est un film qui tente de dénoncer la violence et l'absurdité de la guerre en les montrant très crument. Je pense que c'est bien fait et j'espère qu'il contribuera à quelques prises de conscience. Le film vaut aussi la peine d'être vu pour le rôle étonnant d'Albert Dupontel dans un rôle de vieux militaire blasé et revenu de tout. Bonne nuit

Le Lutin