dimanche 29 juillet 2007

Jeux de "mirail "

Dans un petit essai, très sobrement intitulé "De la maladie", Virginia Woolf considère, d'après sa propre expérience du mal, que les "souffrants" sont entraînés dans des contrées très lointaines, inconnues et insolites.
Inconnues, car ce sont de vastes jachères jamais foulées. Ce sont des zones vierges pareilles à "une étendue de neige" lisse dans lesquelles l'esprit s'ouvre progressivement aux fantasmagories par l'observation et l'interprétation libre des éléments de la nature comme les nuages et les fleurs. La maladie libère donc d'une zone policée, ce que la raison et la fébrile activité humaine refusent.
Insolites, car en éveillant exceptionnellement les sens, en réveillant des "franchises enfantines", en réduisant les inhibitions, la maladie redonne de la signification aux mots. Non seulement elle amplifie leur impact, mais encore elle prend tout particulièrement en compte les perceptions "des sons et des couleurs" ainsi que les manières d'énoncer par le geste, "l'accent et la pause".
C'est peut-être et/ou sans doute pour toutes ces raisons que la maladie qui nous met "hors-la-loi" des sensations raisonnables et des pensées raisonnées, ne fait jamais l'objet d'un véritable intérêt littéraire. Point de panégyrique des maux à l'égal de celui de la passion, des sentiments élevés et des situations d'exception. Les plaies de l'humanité souffrante n'intéressent personne et Virginia Woolf constate parfois avec humour que les romans à la gloire des microbes, bactéries et virus de toutes sortes ne sont guère d'actualité.
Il est vrai que l'on a peu ou pas écrit en s'y attardant consciencieusement sur la maladie qui dure, se prolonge, s'éternise. Virginia Woolf comme en passant fait à peine référence à Proust et à De Quincey. En revanche, la littérature aime les agonies, mais brèves, fortes, violentes comme celles d'un enfant dans "La peste" de Camus et de Mme Chanteau dans "La joie de vivre" de Zola. Bien accueillie, l'agonie annonce une fin qui permettra de développer d'autres propos et de relancer du vivant.
Si l'instinct de survie veille sans cesse chez "les gens d'aplomb", ceux qui partent "inlassablement à l'assaut" de la vie, il n'est cependant pas absent chez les malades qui de sursauts en révoltes remordent au "bout de l'hameçon de la vie". Ils sont condamnés, comme tout un chacun, à "se tortiller" au bout de la ligne du vivant bien normé et bien sain, exempt de tout originalité sensorielle. De ce fait ils ne peuvent plus avoir accès à la poésie des interprétations fautives lorsqu'ils observent la nature ni à des lectures libératrices face à des textes ardus comme ceux de Shakespeare, bien loin des significations raisonnables et de l'empire-carcan des critiques faiseurs de loi.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je connais un peu Virginia Woolf, mais je ne connais pas cet essai et franchement je ne sais pas si j'ai très envie de le lire. Quelle drôle d'idée de s'intéresser à la maladie hors service dans la littérature. ça s'explique on a pas très envie de lire ça. Puisque vous parlez de Zola et des agonies, vous auriez pu parler des accouchements tragiques comme celui de la servante de Pot-Bouille. A se tordre de douleur. Bon bien sûr ce n'est pas une maladie ni une agonie mais c'est dur et ça dure un moment!