vendredi 7 mars 2008

Le Magasin des Suicides

"Le Magasin des Suicides" de Jean Teulé part presque "sur les chapeaux de roues" en présentant d'emblée la famille Tuvache, ô combien surprenante, car entièrement vouée au petit commerce macabre des accessoires utiles qui aident diligemment une population profondément déprimée à passer "l'arme à gauche". Lucrèce et Mishima, efficacement secondés par leurs aînés, Vincent le migraineux et Marylin la grosse ado vénéneuse, n'ont cependant pas le plaisir "d'être heureux" puisqu'Alan le benjamin, le maillon faible de cette famille qui s'engraisse sans état d'âme sur le malheur d'autrui, est le grain de sable heureux et optimiste qui dès sa naissance ose sourire et fait se gripper la machine bien huilée à "s'achever".
Pendant un bon tiers du livre, le sourire, voire le rire, vient facilement aux lèvres face à la profusion d'astuces fantaisistes déployées pour amener calmement et sûrement, avec tac et circonspection tous les clients de la boutique à s'autodétruire de la meilleure manière possible en leur prodiguant des conseils à la carte, adaptés à leur profil pour une mort personnalisée : " - Vous, Madame, qui hésitiez entre contact, inhalant, ingérant, celui-ci est un mélange des trois : belladone, gelée assommante et souffle du désert. Ainsi , quelle que soit l'option que vous choisirez au dernier moment : avaler le cocktail, le toucher ou le respirer, le tour est joué. - Bon, ben, je vais prendre ça, se décide la cliente. - Vous ne le regretterez pas. Ah! je suis bête, j'allais vous dire:"Vous m'en dirai des nouvelles." C'est au représentant de M'en fous la Mort que toutes les commandes "utiles" sont passées pour la satisfaction de tous.
L'ironie mordante, la dérision organisée sur le macabre généralisé de la situation, impose une mise à distance qui rend la lecture possible sur des événements finalement tout sauf comiques. Et pourtant on sourit. Et pourtant on rit. Rôle cathartique du rire face à la mort autoprogrammée et assistée.
Cependant, très vite, ce désespoir de société généralisé qui souffle sans arrêt aux habitants de la Cité des Religions de pousser la porte du Magasin des Suicides, ne fait plus recette. Le récit s'enlise, voire s'embourbe lamentablement, dans des situations supposées humoristiques, mais finalement si répétitives, si attendues et si convenues, que l'intérêt amusé du début se consume comme un feu de paille sans consistance. Si les anecdotes amusent un certain temps, elles finissent aussi par "plomber" désespérément (sans jeu de mot excessif ;-) l'ensemble de la lecture qui dans un raccourci s'étiole et lasse. De plus, l'optimisme plutôt malicieux, intelligent et bon enfant d'Alan au début du livre, se transforme en un optimisme "militant" si bienveillant dans sa lourdeur, que "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil" pourrait devenir le second leitmotiv lénifiant nettement moins dynamisant que les volées de sarcasmes antérieures. Une chute sans souplesse, qui s'écrase. Un saut sans parachute qui ne présage, dès la moitié du livre déjà, que des dégâts : vérifiés lorsque la dernière ligne est lue et le livre refermé.
Merci à Stéphanie de m'avoir offert ce livre pour entretenir l'amitié.

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