dimanche 25 avril 2010

Sur les traces de Turner

Rien à voir avec le regard critique du spécialiste passant au scalpel la production picturale d'un artiste en regard de ses maîtres. Ce ne sera jamais que le ressenti du néophyte ravivé cependant par les souvenirs lointains d'une découverte adolescente : une certaine peinture  du XIX ème siècle, celle de Turner.
Le souvenir d'un univers parfois aveuglant où les limites estompées sont repoussées nous faisant entrer dans un monde de l'ici et de l'ailleurs à la fois, un monde décalé où nulle place ne semble assez stable pour poser sûrement le pied ou le regard. Le sentiment d'un léger tangage dans lequel l'oeil nous accompagne en tous sens en se baladant sur la toile dans une grande émotion sensorielle. Et si le monde, c'était cela : cette subtile dissolution des contours?

Bien entendu, les impressions ci-dessus ne concernent pour la plupart qu'une infime partie de l'oeuvre de Turner, celle de ses dernières années. Années de la rupture avec l'avant, celles qui lui permirent de laisser littéralement exploser son talent de coloriste, doublé d'un sens de la composition et de la luminosité novateur en son temps.
Quelques toiles seulement ont marqué mon parcours sélectif de l'exposition du Grand Palais : "Regulus" , 1828-1837, qui finirait par vous rendre aussi aveugle tant l'intensité lumineuse en une trouée magnifique tranche littéralement la toile en deux ; "Venise, vue du porche de la Salute",  1840, dont la confusion du ciel et de l'eau apaise comme la transparence du Grand Canal propice aux multiples reflets effilochés des embarcations vénitiennes ; "Paysage avec une rivière et une baie", 1845, pour ses délicats estampages ; "Soleil levant sur une baie", 1845, aux couleurs presque vives sur l'esquisse d'une ligne d'horizon de part et d'autre de laquelle ciel et sable se renvoient en écho les mêmes tonalités d'ocre pâle. Trois autres toiles ont encore retenu mon attention durablement : "Avalanche dans les Grisons", 1800, étonnamment moderne dans sa conception mouvementée et par sa texture déjà épaisse largement travaillée au couteau ainsi que "Tempête de neige", 1842, superbe envolée tourbillonnante articulée autour d'un centre instable et mouvant, et enfin "Naufrage", 1805, où la toile organisée sur plusieurs axes semble se mouvoir comme les flots furieux.
Et "ses peintres"? Ceux-là même que Turner a admirés, ceux qu'il a aimés, ceux qu'il a imités,  dit-on, ou plutôt détournés, souvent. Où sont-ils? Ils sont tous présents puisque c'est aussi autour d'eux que s'organise l'exposition, autour de cette mise en abyme entre "Turner et ses peintres". D'eux, je ne retiendrai que "La vierge au lapin blanc" si touchante de Titien, 1530, "Le moulin" si majestueux de Rembrandt, 1642,  la "Jetée de Yarmouth"  de Constable, 1827, et un paysage cendré de Gainsborough dont je n'ai noté ni le nom ni la date.

Que vous soyez fin limier et fin connaisseur des arts picturaux ou un simple amateur plus ou moins éclairé, voire pas du tout, qu'importe, car la découverte de la peinture s'adresse à tous ceux qui feront cette démarche très intime et très personnelle de pousser la porte et de se dire : "C'est aujourd'hui que j'y vais", que ce soit ou non la première fois. Et puis Turner, ne se représentera sans doute pas de si tôt sous nos latitudes...

Alors!

2 commentaires:

floresazules a dit…

Une pensée positive pour Turner qui demeure pour moi un grand peintre même si je n'ai pas vu cette expo.

pierre a dit…

Tourner avec Turner, le temps d'un éclair ou d'une vague, le temps d'une brume éternelle :
je suis définitivement touché, conquis par l'homme de mer et sa vision. Merci pour cet aperçu !