dimanche 15 août 2010

Lettres à Yves


Les "Lettres à Yves" de Pierre Bergé peuvent susciter l'enthousiasme ou la réflexion, la spontanéité des réactions ou la réserve du recul.
J'opterai pour l'interrogation, car ce n'est pas sans questions que j'ai lu ce  livre dont la forme épistolaire - forme de l'interpellation ciblée par excellence, artifice nécessaire à l'écriture du non-dit, révélateur d'implicite, propices aux révélations - se prête particulièrement bien aux questionnement récurrents des lecteurs.

Mais Pierre Bergé entre sincérité et prudence ne révèle que des demi-vérités, esquisse des pans contradictoires de la vie d'YSL sans jamais le livrer complètement en pâture à la curiosité. Question de dosage.

D'une part, l'évocation constante de la carrière inattendue, exceptionnelle, révolutionnaire d'YSL dans ce monde très codé de la haute couture qu'il s'est attaché avec un acharnement monomaniaque à transformer, à dévier de sa trajectoire convenue. Cet aspect, est souligné avec toute l'emphase et toute l'admiration de Pierre Bergé qui reconnaît la marque d'un "créateur de génie".
D'autre part, la vie scindée entre la joie et la douleur, sombrant assez vite dans les excès destructeurs et la dépression d'YSL.

Idéalisant leur rencontre et leurs premières années, n'oubliant pas la souffrance de l'amant délaissé mais toujours stoïquement fidèle, euphémisant sur les actes destructeurs d'YSL tout en souligant la part de froideur de son compagnon, Pierre Bergé est-il sincère par cette évocation très personnelle et tronquée de leur vie? L'est-il lorsqu'il dit la souffrance, la tristesse, sans jamais oublier la nostalgie des beaux jours passés ensemble, des passions communes entre voyages, collections et vie mondaine, des investissements conjoints, de la dépendance amoureuse malgré les affres engendrés par les excès?
Authentique, quoi que complaisant sans doute, il l'est probablement car Pierre Bergé évoque, comme ils viennent, tous les moments clefs de leur vie dans un joyeux désordre qui donne l'impression au néophyte de voyager dans un labyrinthe improvisé.
Authentique aussi car aucun éclaircissement ne vient assouvir la curiosité, car aucune construction trop logique ne vient fixer ses réminiscences. Pour en savoir plus les lecteurs devront aller glaner ailleurs leurs informations.
Authentique et retors, Pierre Bergé flirte aussi avec la complaisance vis à vis de lui-même lorsqu'il insiste et s'attarde sur son rôle d'indispensable mentor, qu'il interroge cependant a posteriori en se demandant si son rôle de protecteur éternel a entravé le développement personnel de son compagnon de route en ne privilégiant que l'épaouissement du créateur.

Cependant, à sa décharge, il n'est pas inutile de préciser qu'il était difficile d'éviter les clichés de l'évocation, le pathos larmoyant ou les reproches éternels.
En louvoyant entre ces éccueils et en allant sans plan préétabli d'un ressenti à un autre, Pierre Bergé évite en partie ces travers tout en éveillant notre intérêt de lecteur.

Un livre assez court au petit format, qui peut se transporter facilement et se lire de même chez nrf Gallimard.

Photo de mhaleph

2 commentaires:

floresazules a dit…

Avez-vous lu YSL Bad boy de MDLelièvre? Une autre manière de mettre en scène YSL...
Pour le livre de PB on reste il est vrai dans l'hésitation.

mhaleph a dit…

Non je ne l'ai pas lu et les critiques diverses m'ont suffi...

mhaleph